Agile comme solution miracle (ou du moins, c’est ce qu’ils espéraient)

Pourquoi l’agilité ne fonctionne que si elle est portée par le business et alignée sur la création de valeur, et non comme un simple correctif aux problèmes IT.

8/14/20253 min lire

Agile comme solution miracle (ou du moins, c’est ce qu’ils espéraient)

Agile est devenu la solution par défaut à tous les problèmes, un peu comme le ruban adhésif dans une boîte à outils. Pratique, polyvalent, mais inefficace sans les bonnes conditions.

L’un des pièges les plus courants que j’ai observés ? Des départements IT qui adoptent Agile pour améliorer la vitesse de livraison ou la qualité… tout en maintenant le business à distance. Les équipes sprintent, préparent leur backlog, se regroupent pour les stand-ups, organisent des rétrospectives… mais continuent de travailler en silos.

La collaboration interfonctionnelle, qui devrait être le moteur de l’agilité, devient secondaire. Et comme « tout le monde fait de l’Agile », des reportings flous et des avancements vagues deviennent acceptables. Après tout, c’est itératif, non ?

Résultat les équipes IT grossissent, on ajoute des couches de coordination, le chaos augmente, mais la livraison ne s’améliore pas. Pire encore : très peu de choses sont mises entre les mains des utilisateurs, et les retours, pourtant essentiels pour ajuster et créer de la valeur, sont rares, voire inexistants.

Un test simple pour prendre du recul :
Si rien n’est livré aux utilisateurs, et qu’aucun retour ne remonte, ce n’est pas de l’agilité. C’est juste une mobilisation de ressources sans création de valeur.

Et n’oublions pas : les « utilisateurs » ne sont pas uniquement les clients finaux. Ils peuvent aussi être des équipes internes, des collaborateurs terrain, ou toute personne amenée à interagir avec la solution en cours de construction.

Quand ça fonctionne : le cas Enel

Un exemple que j'aime partager avec mes étudiants : Enel S.p.A.

Fondée en 1962, Enel a réuni 1270 entreprises différentes, et donc 1270 façons de travailler. Cultures diverses, systèmes hétérogènes, niveaux hiérarchiques multiples, processus contradictoires. Un vrai terrain propice à l’immobilisme.

Et pourtant, Enel a lancé une transformation de grande ampleur, avec des objectifs clairs et ambitieux :

  • Rendre l’énergie renouvelable plus rentable

  • Réguler plus efficacement les flux d’énergie

  • Réduire l’endettement

  • Reprendre le contrôle des opérations clés

  • Simplifier la structure de l’entreprise en supprimant les participations croisées et les couches de management superflues

Il ne s’agissait pas simplement d’une modernisation digitale. Enel a repensé en profondeur son organisation, ses équipes, ses données, ses fonctions support, jusqu’à l’innovation externe, via des cellules dédiées dans chaque entité métier.

En parallèle, une stratégie ambitieuse de plateforme et de rationalisation des systèmes IT a été lancée : objectif, réduire de 35 % les applications et de 75 % les systèmes. Une vraie simplification, pas juste un changement d’étiquettes.

Compte tenu de l’ampleur et de l’incertitude du programme, adopter une approche Agile s’est imposé naturellement. Mais ce n’est pas la méthode elle-même qui a fait la différence. Ce qui a réellement compté, c’est le pilotage stratégique.

La transformation a été portée par le business, pas reléguée à l’IT.
La direction a tracé une vision claire, pris des décisions courageuses, et surtout : aligné les équipes autour des besoins des utilisateurs — pas juste autour des irritants internes. L’agilité a été utilisée comme un levier pour atteindre des résultats concrets, pas comme une simple méthode de livraison.

En résumé

Quand l’Agile fonctionne, ce n’est pas une rustine sur une roue endommagée. C’est un vrai changement de posture.
Cela demande que le leadership business prenne le volant et utilise l’agilité pour explorer, apprendre, s’ajuster.

Ce n’est pas une course à la vitesse. C’est un mouvement vers la bonne direction, même si la route est encore en construction.

L’agilité crée de la valeur lorsqu’elle relie la stratégie à l’exécution, et non lorsqu’elle camoufle la complexité derrière des rituels. Et surtout, elle fonctionne quand tout le monde avance ensemble : business, tech, opérations, unis autour d’un objectif commun.